Danse avec les clous !

Un bon danseur doit s’avoir s’exprimer sur tous les terrains, même avec un partenaire. C’est un parallèle que j’oserais faire avec ce nouveau Grand Cherokee, à l’aise autant sur le bitume qu’en hors-piste, y compris sur la glace !

Texte et photos Thomas Riaud

Pour ses 70 ans, Jeep s’est offert un beau cadeau : un nouveau Grand Cherokee. Mais cette fois, le gâteau prend des airs de bûche glacée, car nous sommes allés le découvrir à Arvidsjaur, au-dessus du cercle polaire. Une destination pour le moins inattendue, mais c’est à ce prix que le groupe Fiat (désormais propriétaire de Jeep) peut réaliser tranquillement des tests grand froid sur de futurs modèles. Le terme « grand froid » n’est pas usurpé, car le thermomètre peut afficher jusqu’à -40°C et de vous à moi, ce n’est pas un temps à mettre un photographe dehors ! Oui, mais essayer ce nouveau Grand Cherokee se mérite. Et l’ami indien, pas du genre frileux, ne semble pas craindre les morsures du froid. Ni les critiques d’ailleurs des (rares) journalistes ayant osés faire le déplacement jusqu’à lui.

Il est vrai que cette nouvelle Jeep met toutes les chances de son côté. Ici, « nouveau » n’est pas galvaudé car tout a été entièrement repensé, du design (extérieur et intérieur) à la technologie embarquée. Pour ce qui est du style, le Grand Cherokee reste toujours aussi imposant (4.82m de long) mais il s’affine, et améliore même son aérodynamique. Au bout du compte c’est non seulement agréable à l’œil, mais c’est aussi le gage d’économiser un peu de carburant. La face avant, identifiable immédiatement comme appartenant à l’univers Jeep, s’orne d’une imposante calandre chromée à 7 barrettes verticales du plus bel effet. Ce faciès, plein de personnalité, devrait se retrouver prochainement sur d’autres modèles de la marque, à commencer par le prochain Compass. L’arrière donne lui aussi dans l’élégance, avec un hayon fortement incliné, à la manière d’un Range Rover. N’en déplaise au 4x4 britannique, mais le pionnier des 4x4 de luxe demeure bien le Grand Cherokee, né dans les sixties sous le nom de Wagoneer. Cette parenthèse historique étant faite, revenons à notre Grand Cherokee 4ème du nom.

Chef de file  
Avec le temps le Jeep Grand Cherokee, chef de file du mouvement des 4x4 de luxe donc, s’est bonifié sur tous les plans. Dans le domaine du style on l’a vu, mais aussi au niveau des liaisons au sol. Ultime témoin du mariage avorté entre Daimler et Chrysler, le Grand Cherokee repose sur le châssis du futur Mercedes ML. L’ancienne mouture n’était pas mauvaise, loin de là même, mais cette ultime génération progresse sensiblement en se débarrassant de son pont arrière rigide au profit d’un moderne train arrière multibras. La tenue de route y gagne mais aussi le confort et ce, malgré la monte sur notre modèle d’essai de véritables « tonneaux »: d’énormes roues de 255/50 R20. Et sachez que ce Grand Cherokee peut encore faire mieux, en adoptant une suspension pneumatique Quadra-Lift, offrant jusqu’à 270 mm d’amplitude ! Livrée de série sur la version 5.7 V8, elle ne sera disponible sur le V6 qu’avec la finition haut de gamme Overland. Overland, ça, on connait, puisque c’est l’assurance chez Jeep de bénéficier d’un habitacle full options, à l’américaine.

Faire la liste exhaustive de la dotation de série reviendrait à faire un inventaire à la Prévert, mais sachez que tout ou presque est présent à bord, des sièges cuir électriques au GPS couleur à écran tactile (avec système évolué « media center »), et même au pédalier à réglage électrique. Un vrai tipi 4 étoiles ! En plus de cette débauche de luxe, les autres bonnes surprises ne manquent à bord. Malgré une électronique embarquée conséquente, les commandes tombent intuitivement sous la main, signe que l’ergonomie est (enfin) bien pensée. Mais, outre une habitabilité revue à la hausse et un coffre au format cargo (de 782 à 1554 litres), la meilleure nouvelle est à mettre au crédit de la finition, qui a fait un bond en avant. Désormais, Jeep ne rimera plus avec cheap ! Du neuf, il y en a également dans la salle de machines avec la présence d’un inédit V6 Pentastar 3.6 24v développant 286 ch à 6350 tr/mn, avec distribution variable. Un moteur noble et moderne ici à l’essai qui promet, selon Jeep, une consommation moyenne limitée à seulement 11,4 L/100 km (pour des rejets de CO2 de 265g/km). Des baisses sensibles, mais pas au détriment de l’agrément de conduite, en hausse !

Les délices de la glisse
Evidemment, juger du comportement routier d’un 4x4 sur une surface lisse comme un miroir, où il est difficile de tenir debout, n’est pas chose aisée ! Heureusement, le tandem des pneus Pirelli Scorpion avec la transmission intégrale permanente Quadra-Trac 2 fait des merveilles. Bien sûr, on roule sur des œufs et le poids conséquent de l’engin incite à la vigilance, mais le Grand Cherokee dispose d’une autre arme secrète : le Selec-Terrain. Il s’agit d’une molette semblable au Terrain Response de Land Rover, permettant de sélectionner électroniquement parmi 5 modes le plus favorable aux conditions d’adhérences.

En position Snow (neige), quelque peu castratrice, l’auto privilégie le grip et le couple (35.4 mkg à 4300 tr/mn) aux fortes accélérations, en jouant avec l’ESP et l’antipatinage. Le résultat est juste bluffant, permettant d’évoluer sereinement sur un lac gelé, en gardant du pouvoir directionnel… et du frein. Bien sûr, les inconditionnels du franchissement (à peine 1% de la clientèle du Grand Cherokee), seront ravis d’apprendre que notre indien, toujours équipé d’une gamme courte, a conservé intact sa soif de grands espaces. Avec un angle d’attaque de 30,7° (pouvant même atteindre 34,3° en démontant le spoiler !) et un angle de sortie de 27,3°, rien ne lui fait peur.

En regagnant l’asphalte, je passe d’une pichenette sur le bien-nommé mode Auto, libérant enfin le V6. Si ce dernier se montre plutôt volontaire en couvrant le 0 à 100 km/h en 9,1", il doit en revanche composer avec une douce et classique boîte automatique à 5 rapports (offrant un mode séquentiel) tirant un poil long, et plombant quelque peu la consommation moyenne (proche des 17 L lors de notre essai). Dommage, car les relances de ce mastodonte de 2,3 tonnes auraient été plus convaincantes encore s’il avait opté, comme la majorité de ses rivaux d’ailleurs, pour une moderne « boitoto » à 6… ou 7 vitesses.

Mais il vrai que notre aventurier tiré à 4 épingles avance un argument choc qui fera taire les mauvaises langues : sa gamme de prix, amicale pour la catégorie, et débutant avec ce V6. C’est vrai : un indien, ça ne rigole pas avec les sioux !

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