Lorsque fût venu le temps de remplacer les Jeep de l’armée française, un appel d’offre du ministère de la défense fût lancé. Problème : aucun constructeur français ne produisait de 4x4…

Les constructeurs français, peu enclins à créer de A à Z un 4x4 sans doute trop peu rentable aux vues des quantités nécessaires, se sont alors tournés vers leurs concurrents étrangers. C’est ainsi que Citroën montera le 2 litres de la CX 2000 dans un Volkswagen Iltis pour présenter à l’armée son Citroën C44, que Renault montera son 2 litres de Renault 20 dans le Fiat Campagnola pour créer son Renault TRM500, et Peugeot le 2 litres de la 504 dans le Mercedes G nouvellement créé : le Peugeot P4 était ainsi né. C’est ce dernier, de conception plus moderne, qui fut choisi par l’armée.

Dans l’affaire, Mercedes a réalisé une bonne opération : le constructeur avait développé avec le Classe G un véhicule militaire avec Steyr-Puch, mais la commande passée par l’Iran venait d’être annulée. Peugeot a donc en quelque sorte donné un coup de pouce au démarrage du Mercedes G ! Le marché fut conclu, à la condition que le Peugeot P4 ne soit pas vendu sur le marché civil et que la version militaire ne soit commercialisée que dans les pays ayant un accord de défense avec la France : voici donc la raison de sa rareté !

Si le Peugeot P4 a donc été conçu avec le 2 litres de la 504, il a rapidement été dérivé en une version Diesel de 2.5 litres. Plus coupleux, plus économique, il a vite assuré le gros des commandes de P4. A tel point qu’à la demande de l’armée, les P4 2 litres ont tous été convertis en P4 Diesel en 1992, par la vénérable firme Panhard…

C’est un fait, le P4 ressemble à un Mercedes G. Mais il s’agit en fait techniquement d’un mix de pièces Peugeot et Mercedes. Le moteur par exemple est un pur produit français, et l’oreille de l’amateur reconnaitra sans mal l’Indenor qui a animé des générations entières de Peugeot. Le non amateur, lui, s’accordera avec Coluche pour trouver que l’on entend bien le moteur et que comme ça on sait qu’on est pas en panne. En Peugeot P4, oubliez toute attaque surprise de l’ennemi car il vous entendra de loin ! Cet Indenor, le XD3 pour être précis, offre 76 chevaux et un couple de 15.3 mkg, pas de quoi s’envoler. Mais… La puissance est ramenée à 70 chevaux pour les versions militaires. Sans faire moins de bruit en échange.

Ce moteur est ensuite accouplé à une autre pièce tout aussi française : la boite 4 rapports issue de la Peugeot 604. On aurait pourtant bien aimé une boite 5. Pas pour avoir un dernier rapport plus long, puisque le P4 peine déjà pas mal en 4ème, mais pour avoir des rapports intermédiaires plus rapprochés. Cette boite est bien plus agréable à utiliser que la boite Mercedes. Et ça tombe bien, car aux vues des non-performances de la bête, on passe son temps à jouer de la boite ! Avec à la clef un résultat peu glorieux… Le P4 Diesel est en effet annoncé à 118 km/h, vitesse que nous n’avons pas été capables d’atteindre même au compteur, tandis que le kilomètre départ arrêté ne sera jamais parcouru en moins de 45 secondes. En Peugeot P4, oubliez toute manœuvre de repli rapide !

La boite de transfert est en revanche issue du partenariat à l’origine du G, entre Mercedes-Benz et Steyr-Puch. La transmission est classiquement aux roues arrière avec possibilité de craboter le pont avant, mais sa particularité est de disposer d’une réduction synchronisée, qui permet (fait rare sur un 4x4) de passer de boite longue à boite courte et inversement tout en roulant.

Les suspensions et les ponts sont d’origine Mercedes également : entendez par là que le Peugeot P4 dispose des mêmes débattements de suspension (corrects, sans plus) que le Mercedes G. Pour un certain nombre de raisons, Peugeot n’a pas opté pour le blocage de différentiel avant qui a fait le succès du G en tout-terrain, mais le blocage arrière a été conservé. Il se commande comme sur son cousin allemand par une tirette au plancher.

En franchissement, le Peugeot P4 n’est pas mauvais, grâce en partie à son blocage arrière, et par le fait que sa solidité permet de passer en force. C’est à peu près tout ! Les débattements sont loin de ceux des Nissan ou des Land Rover, le poids n’est pas négligeable même s’il est inférieur à celui du Mercedes, et la motorisation est un peu légère pour entrainer tout cela, contrairement à ce que l’on trouve chez Nissan ou Toyota. On peut parier que sur un parcours très sélectif, une Jeep-Hotchkiss M201 donnerait des leçons au P4 qui l’a remplacée !

L’extérieur du Peugeot P4 est assez semblable à celui des Mercedes G. La calandre diffère, avec ses clignotants intégrés et ses phares carrés, les portes sont bâchées et facilement démontables, ce qui explique que les seuils aient été relevés, et bien entendu on note la présence des feux de black-out, de la fixation pour l’antenne radio etc… L’intérieur est rustique. Mais savez-vous à quel point ? Pour commencer, pas de clef de contact et donc pas de Neiman. De toute façon, si on tente de vous piquer le P4, vous l'entendrez forcément démarrer ! Il y a une poignée coupe-circuit au plancher, et un bricolage avec un cadenas permet de verrouiller les choses. Face au conducteur, un compteur de vitesses et un cadran multifonction regroupant le strict essentiel. A gauche du volant se trouve le bouton rotatif permettant d’allumer les feux, normaux ou de Black-out, et à droite un inverseur permettant de commander les clignotants (qui ne reviennent donc pas avec le volant), la tirette du démarreur, le bouton des essuie-glaces, le cendrier indispensable à tout militaire, et les commandes d’un chauffage vraiment très efficace, y compris en plein hiver aux places arrière.

Parlons-en des places arrière, d’ailleurs ! La partie postérieure de l’habitacle dispose de deux petites banquettes latérales permettant d’y monter à 4 par la porte arrière. Les deux places avant sont bien évidemment plus agréables. Les deux sièges simili sont assez plats et n’ont pas d’appuie-tête : ne rêvez tout de même pas à un grand confort…

La conduite du P4 est un peu exotique. Déjà, il faut le démarrer. Procédure typiquement Peugeot : mettez le contact (grosse poignée coupe-circuit rouge au plancher), amenez à mi-chemin la tirette du démarreur et… attendez patiemment qu'une résistance visible à travers une petite grille vire au rouge. Là, tirez complètement la tirette que vous avez en main. Ca devrait démarrer… Ensuite, le Peugeot P4 est vraiment agréable à conduire, mis à part la faiblesse et la présence sonore du moteur Indénor, et… si l’on fait abstraction de la force que réclame la direction, non assistée !

La direction est vraiment démultipliée mais suffisamment précise, la tenue de route n’est pas mauvaise, le freinage est bon (si l’on prend soin d’appuyer fort sur la pédale), et le confort étonnant, sans rapport avec celui de la Jeep par exemple. Bien entendu, les pneus militaires plus ou moins fatigués dégradent les qualités intrinsèques du Peugeot P4…

Au fil des réformes, le Peugeot P4 se trouve désormais sur le marché du véhicule d’occasion et un particulier peut tout à fait en acheter un. Avec ses qualités et ses défauts… qu’il est possible de corriger. Ainsi, on trouvera des Peugeot P4 qui ont fort opportunément récupéré une direction assistée de Mercedes G, un moteur turbo-diesel de 505 avec la boite 5 rapports assortie etc… Autre solution : réussir à dénicher l’un des 15 exemplaires de Peugeot P4 V6 produits, équipés du PRV de 170 chevaux et destinés à l’homologation en rallye-raid de la bête.

Le Peugeot P4 est pétri de qualités. Son look, son bruit, sa conduite virile et son côté rustique et fidèle séduisent, ce qui permet de lui pardonner ses faibles performances. Reste ensuite à en trouver un bon état et pas surcôté…

Texte Manu Bordonado
Photos Didier Maestre, avec tous nos remerciements au propriétaire pour sa complicité...

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