Quand on pense à un 4x4 roumain, on pense irrémédiablement au Dacia Duster. Si on remonte plus loin dans le temps, beaucoup penseront à l’Aro 10, l’Aro Trapeurs. Mais avant, il y avait encore autre chose : le rare Aro M-461C, dont nous avons trouvé un exemplaire… dans le Var.

La marque ARO (Automobiles ROumaines) nait sous la Roumanie communiste, des besoins de pouvoir compter sur un tout-terrain léger. En bref, obtenir un véhicule équivalent à la géniale Jeep dont disposaient les américains. Le premier modèle sera ainsi l’IMS57 apparu en 1957, remplacé par le M59 en… 1959, tous deux inspirés du GAZ 69 russe. Le modèle qui nous occupe est donc le M-461 apparu en 1964. Et il faut bien reconnaitre qu’il ressemble aux modèles sus-cités, le bougre ! En bon modèle militaire, la fonction a primé sur l’esthétique. La présence de la ridelle arrière empêchant d’y mettre la roue de secours, celle-ci se trouve sur le côté gauche du véhicule, induisant du coup une porte conducteur à la découpe particulière, alors que la porte de l’officier (porte « passager ») a une ouverture de taille et de dessin classiques !

Monter à bord de l’Aro M-461C est donc moins facile que dans un Toyota RAV4 bien entendu mais… Il est évident qu’on n’en aura pas le même usage ! Une fois au (grand) volant par contre, on a une très bonne visibilité vers l’avant, un peu comme dans un petit camion. D’ailleurs… Il va falloir se retrousser les manches, sa conduite se mérite.

Sous le gros mais court capot se cache un moteur à essence cubant 2.5 litres. Pas tout à fait un inconnu puisqu’il s’agit en fait d’un moteur à essence construit sous licence Saviem ! De conception moderne pour l’époque (5 paliers, arbre à cames en tête), il n’est pas poussé pour autant. Sur un véhicule militaire on privilégie la fiabilité la plus totale. Ici, avec 70 chevaux à… 4000 tr/min, on peut dire que ce moteur M207 ne force pas ! Difficile de vous parler d’une version diesel : en fait, chaque pays ou presque y est allé de sa version diesel spécifique. Les germaniques ont évidemment installé des moteurs Mercedes, les francophones y sont bien entendu allés de leur Peugeot Indénor, tandis que d’autres marchés se sont équipés en Perkins…

La transmission est simple : quand c’est simple, c’est fiable et économique et il ne faut pas s’en priver ! La boite dispose de 4 rapports, dont les 2 premiers… Ne sont pas synchronisés, imposant de l’habitude pour réussir à les passer ! La première est rampante, c’est-à-dire très courte. Ça permet de s’affranchir à peu de frais d’un réducteur. Du coup, le petit levier ne sert qu’au crabotage du pont avant. A noter que certains exemplaires disposent d’une prise de force à l’arrière, pour pouvoir y monter des outils agricoles. Avec ceci, vous aurez compris que la conduite du Aro M-461C est virile. Il faut bien connaitre la bête pour pouvoir passer les rapports à la volée, et vite remettre les deux mains sur le volant. Parce que le volant est bien évidemment aussi grand que dur à tourner. Pas question de direction assistée bien évidemment, les militaires roumains sont des gros costauds !

On ne va pas vous mentir, on n’a pas essayé le Aro M-461C sur route. Admettons d’une part qu’il n’est pas fait pour ça. D’autre part, pour une fois que l’on n’est pas au volant d’un SUV qui ne sait faire que de la route, on n’allait pas se priver ! Rendez-vous au domaine de Sigalous dans le Var donc, pour un vrai essai pour homme.

Il est clair que côté look, on fait l’unanimité. Quel succès ! les Land, les Toy, les Nissan… Tout ça est effacé, il n’y a d’yeux que pour nous. Qui aurait parié qu’on aurait pu parader et même frimer en Aro ? Pas nous. Et pourtant… La bonne nouvelle c’est qu’on a de la place pour faire monter les admiratrices : en plus des 2 places avant, pour le chauffeur et son chef de bord, les banquettes longitudinales arrière permettent de faire monter encore 6 personnes, en vis-à-vis.

Le Aro M-461C est prévu pour rouler chargé. On rappelle au passage les essieux rigides et les ressorts à lames. Voilà, vous avez compris : la suspension mérite assez mal son nom. C’est ferme, très très ferme. Pas grave puisque notre Aro n’est pas prévu pour le rallye, même s’il y a quelques faites d’honneur à son actif. Le moteur Saviem n’offre que 70 chevaux, donc pas de quoi attaquer. Cela dit, ça n’est pas ridicule si on remet les choses dans leur contexte : quelle était la concurrence ? Les Cournil utilisaient eux aussi un moteur Saviem de 70 chevaux, un Fiat Campagnola offrait 63 chevaux, une Jeep CJ5 disposait de 75 chevaux (et encore, SAE…), tandis qu’un Land Rover Serie III comptait sur 71 chevaux… Bref, à part le Land Cruiser FJ40 et son gros 6 cylindres, personne ne faisait mieux.

C’est au chapitre de la consommation que l’on voit que les 4x4 ont, avec le temps, évolué dans le bon sens. Car le moteur Saviem de 70 chevaux, s’il permet de n’accrocher que 100-110 bien lancé, a un appétit certain : compter dans les 17 litres au 100… Quand le moteur est bien réglé ! Sinon ça peut aller beaucoup plus loin… Certes, la concurrence ne fait pas mieux. Mais quand on sait qu’un Pajero V6 GDi moderne fait autour des 13 litres… !

Revenons-en à ce pour quoi il est fait : le tout terrain. Il est bien armé pour cela : la garde au sol est assez conséquente, et les angles caractéristiques sont spécialement bien dégagés. Ca permettra donc d’aborder certains obstacles de face. Et ça sera nécessaire car, handicapé par ses suspensions trop fermes, le Aro M-461C n’a pas des débattements de roue exceptionnels. Pour compenser cela, il ne peut pas non plus compter sur des différentiels à glissement limité ou à blocage. Bref, aucune aide, il vous faudra vous débrouiller tout seul ! Et pourtant… Malgré cela, sans aide, sans couple finalement (seulement 16.0 mkg), notre Aro M-461C ne se laisse pas impressionner ! Le faible poids aidant, les grandes roues aussi, on ne peut que s’étonner des capacités en franchissement de notre vieil Aro, qui n’ont rien de ridicules. D’une part car notre exemplaire était chaussé, il faut le reconnaitre, par de très bons pneus. D’autre part car… Le M-461C est beaucoup moins lourd qu’un 4x4 d’aujourd’hui : compter un peu plus de 1.5 tonne…

On ne peut pas dire que l’Aro M-461C soit un véhicule rare à proprement parler, puisqu’il a été construit à un peu plus de 80 000 exemplaires, soit 7 fois plus que « notre » Peugeot P4 national. Clin d’œil de l’histoire, l’exportation du véhicule était assurée par… Dacia ! Bref, il n’empêche que notre roumain n’est pas bien présent en France, et ne se trouve pratiquement qu’entre les mains de passionnés, dont… Une certaine Laurence qui serait en train d’en rénover un dans le Lot et Garonne. Il semblerait qu’il n'y ait environ 50 exemplaires en France.

Malgré une relative rareté chez nous, la côte de l’Aro M-461C ne décolle pas. Mais nous parlons ici de côte financière. Car pour ce qui de la côte d’amour et de l’intérêt qui est porté au véhicule quand on le voit… C’est 20/20 !

Texte: Manu Bordonado
Photos: Régis Laporte

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